<82>Pour moi, quand je songe à quel point les hommes sont faibles et fous, je suis toujours étonné que, dans les temps d'ignorance, les papes n'aient pas eu la monarchie universelle.

Je suis persuadé qu'il ne tient à présent qu'à un souverain d'étouffer chez lui toutes semences de fureur religieuse et de discorde ecclésiastique. Il n'y a qu'à être honnête homme et nullement dévot; les hommes, tout sots qu'ils sont, sentent bien dans leur cœur que la vertu vaut mieux que la dévotion. Sous un roi dévot, il n'y a que des hypocrites; un roi honnête homme forme des hommes comme lui.

J'ose ainsi penser tout haut devant V. A. R., car votre caractère divin m'encourage à tout. Je viens de finir une conversation avec M. de Keyserlingk; il a encore enflammé mon zèle et mon admiration pour votre personne. Tout mon malheur est d'avoir une santé qui probablement m'empêchera d'être le témoin du bien que vous ferez aux hommes, et des grands exemples que vous donnerez. Heureux ceux qui verront ces beaux jours! D'autres verront de près la gloire et le bonheur de votre gouvernement; mais moi, j'aurai joui des bontés du prince philosophe, j'aurai eu les prémices de sa grande âme, j'aurai été trop heureux, etc.

26. A VOLTAIRE.

Remusberg, 16 août 1737.

Quoi! sans cesse ajoutant merveilles sur merveilles,
Voltaire, à l'univers tu consacres tes veilles!
Non content de charmer par tes divins écrits,
Tu fais plus, tu prétends éclairer les esprits.
Tantôt, du grand Newton débrouillant le système,
Tu découvre à nos yeux sa profondeur extrême;
Tantôt, de Melpomène arborant les drapeaux,
Ta verve nous prépare à des charmes nouveaux.
Tu passes de Thalie aux pinceaux de l'histoire :
Du grand Charle et du Czar éternisant la gloire,