<146>Choisissez appartement ou maison, réglez vous-même ce qu'il vous faut pour l'agrément et le superflu de la vie; faites votre condition comme il vous la faut pour être heureux, c'est à moi à pourvoir au reste. Vous serez toujours libre et entièrement maître de votre sort; je ne prétends vous enchaîner que par l'amitié et le bien-être.

Vous aurez des passe-ports pour des chevaux, et tout ce que vous pourrez demander. Je vous verrai mercredi, et je profiterai des moments qui me restent pour m'éclairer au feu de votre puissant génie. Je vous prie de croire que je serai toujours le même envers vous. Adieu.

213. DE VOLTAIRE.

(1743.)a

C'est vous qui savez captiver
Mon cœur aux autres rois rebelle;
C'est vous en qui je dois trouver
Une douceur toujours nouvelle.
C'est chez vous qu'il faut achever
Ma vieille Histoire universelle,
Dépuceler, enjoliver,
Dans vingt chants, Jeanne la Pucelle,
Et surtout à jamais braver
Des dévots l'infâme séquelle.

Je partirai donc, mon adorable maître, pour revenir dès que j'aurai mis ordre à mes affaires. Je vous parle avec ma franchise ordinaire. J'ai cru m'apercevoir que je vous serais moins agréable, si je venais ici avec d'autres, et je vous avoue que, appartenant uniquement à V. M., j'aurai l'âme plus à l'aise.

Je n'ambitionne point du tout d'être chargé d'affaires comme Destouches et Prior, deux poëtes qui ont fait deux paix entre la


a Cette lettre a été écrite à Berlin, probablement le 8 octobre 1743, en réponse à la lettre précédente.