<35>J'ai lu le Machiavel d'un bout à l'autre; mais, à vous dire le vrai, je n'en suis pas tout à fait content, et j'ai résolu de changer ce qui ne m'y plaisait point, et d'en faire une nouvelle édition, sous mes yeux, à Berlin. J'ai pour cet effet donné un article pour les gazettes, par lequel l'auteur de l'Essai désavoue les deux impressions. Je vous demande pardon; mais je n'ai pu faire autrement, car il y a tant d'étranger dans votre édition, que ce n'est plus mon ouvrage. Jai trouvé les chapitres XV et XVI tout différents de ce que je voulais qu'ils fussent; ce sera l'occupation de cet hiver que de refondre cet ouvrage. Je vous prie cependant, ne m'affichez pas trop, car ce n'est pas me faire plaisir; et d'ailleurs vous savez que, lorsque je vous ai envoyé le manuscrit, j'ai exigé un secret inviolable.

J'ai pris le jeune Luiscius à mon service; pour son père, il s'est sauvé, il y a passé, je crois, un an, du pays de Clèves, et je pense qu'il est très-indifférent où ce fou finira sa vie.

Je ne sais où cette lettre vous trouvera; je serai toujours fort aise qu'elle vous trouve proche d'ici; tout est préparé pour vous recevoir, et, pour moi, j'attends avec impatience le moment de vous embrasser.

147. DE VOLTAIRE.

La Haye, 12 octobre 1740.

Sire, Votre Majesté est d'abord suppliée de lire la lettre ci-jointe du jeune Luiscius; elle verra quels sont, en général, les sentiments du public sur l'Antimachiavel.

M. Trévor, l'envoyé d'Angleterre, et tous les hommes un peu instruits, approuvent l'ouvrage unanimement. Mais je l'ai, je crois, déjà dit à V. M., il n'en est pas tout à fait de même de ceux qui ont moins d'esprit et plus de préjugés. Autant ils sont forcés d'admirer ce qu'il y a d'éloquent et de vertueux dans le livre, autant ils s'efforcent de noircir ce qu'il y a d'un peu libre. Ce sont des hiboux offensés du grand jour; et malheureusement