<58>des rapaces à contenir dans les bornes de l'équité, des bavards à écouter, des muets à entretenir; enfin il faut boire avec ceux qui en ont envie, manger avec ceux qui ont faim; il faut se faire juif avec les juifs, païen avec les païens.

Telles sont mes occupations, que je céderais volontiers à un autre, si ce fantôme nommé la Gloire ne m'apparaissait trop souvent. En vérité, c'est une grande folie, mais une folie dont il est très-difficile de se départir, lorsqu'une fois on en est entiché.

Adieu, mon cher Voltaire; que le ciel préserve de malheur celui avec lequel je voudrais souper, après m'être battu ce matin! Le cygne de Padoueb s'en va, je crois, à Paris, profiter de mon absence; le philosophe géomètrec carre des courbes, le philosophe littérateurd traduit du grec, et le savant doctissimee ne fait rien, ou peut-être quelque chose qui en approche beaucoup.

Adieu, encore une fois, cher Voltaire; n'oubliez pas les absents qui vous aiment.

160. DE VOLTAIRE.

Dans un vaisseau, sur les côtes de Zélande, où j'enrage, ce dernier décembre 1740.



Sire,

Vous en souviendrez-vous, grand homme que vous êtes,
De ce fils d'Apollon qui vint au mont Rémus,
Amateur malheureux de vos belles retraites,
Mais heureux courtisan de vos seules vertus?

Vous en souviendrez-vous aux champs de Silésie,
Tant de projets en tête, et la foudre à la main,
Quand l'Europe en suspens, d'étonnement saisie,
Attend de mon héros les arrêts du destin?


b Algarotti.

c Maupertuis.

d Du Molard.

e Jordan.