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398. AU MÊME.

Potsdam, 10 février 1767.

L'accident qui vous est arrivé attriste tous ceux qui l'ont appris. Nous nous flattons cependant que ce sera sans suite; vous n'avez presque point de corps, vous n'êtes qu'esprit, et cet esprit triomphe des maladies et des infirmités de la nature qu'il vivifie.

Je vous félicite des avantages qu'a remportés le peuple de Genève sur le conseil des Deux-Cents et sur les médiateurs. Cependant il paraît que ce succès passager ne sera pas de longue durée. Le canton de Berne et le Roi Très-Chrétien sont des ogres qui avalent de petites républiques en se jouant. On ne les offense pas impunément; et, si ces ogres se mettent de mauvaise humeur, c'en est fait à tout jamais de notre Rome calviniste. Les causes secondes en décideront. Je souhaite qu'elles tournent les choses à l'avantage des bourgeois, qui me paraissent avoir le droit pour eux. Au cas de malheur, ils trouveront l'asile qu'ils ont demandé, et les avantages qu'ils désirent.

Je vous remercie des corrections de mes vers; j'en ferai bon usage. La poésie est un délassement pour moi. Je sais que le talent que j'ai est des plus bornés; mais c'est un plaisir d'habitude dont je me priverais avec peine, qui ne porte préjudice à personne, d'autant plus que les pièces que je compose n'ennuieront jamais le public, qui ne les verra pas.

Je vous envoie encore deux contes.a C'est un genre différent que j'ai essayé pour varier la monotonie des sujets graves par des matières légères et badines. Je crois que vous devez avoir reçu


a Le Conte du Violon, et Les Deux Chiens et l'Homme, fable. Voyez t. XII, p. 233 et 234, 235 et 236; et t. XIX, p. 294, 300, 310, et 330.