<129>même ne commettrait pas de pareilles horreurs. Pour peu qu'on jette les yeux sur la scène de ce monde, on passe la moitié de sa vie à rire, et l'autre moitié à frémir.

Conservez-moi, Sire, vos bontés, pour le peu de temps que j'ai encore à végéter et à ramper sur ce malheureux et ridicule tas de boue.

402. A VOLTAIRE.

Potsdam, 24 mars 1767.

Je vous plains de ce que votre retraite est entourée d'armes; il n'est donc aucun séjour à l'abri du tumulte! Qui croirait qu'une république dût être bloquée par des voisins qui n'ont aucun empire sur elle? Mais je me flatte que cet orage passera, et que les Génevois ne se roidiront pas contre la violence, ou que le ministère français modérera sa fougue.

Vous voulez savoir le mot du conte? Il ne regarde que moi. Ce conte fut fait l'an 1761, et convenait assez à ma situation, telle qu'elle était alors. J'ai corrigé cet ouvrage depuis la paix, et je vous l'ai envoyé. Je suis si ennuyé de la politique, que je la mets de côté dans mes moments de loisir et d'étude; je laisse cet art conjectural à ceux dont l'imagination aime à s'élancer dans l'immense abîme des probabilités.a

Ce que je sais de l'impératrice de Russie, c'est qu'elle a été sollicitée par les dissidents de leur prêter son assistance, et qu'elle a fait marcher des arguments munis de canons et de baïonnettes, pour convaincre les évêques polonais des droits que ces dissidents prétendent avoir.

Il n'est point réservé aux armes de détruire l'infâme; elle périra par le bras de la vérité et par la séduction de l'intérêt. Si vous voulez que je développe cette idée, voici ce que j'entends :

J'ai remarqué, et d'autres comme moi, que les endroits où il


a Cet alinéa, omis dans l'édition de Kehl, est tiré des Œuvres posthumes, t. X, p. 43.