<140>vous bâillerez en les recevant, puis vous sommeillerez, puis vous tomberez en léthargie, puis on appellera le confesseur, et puis, etc., etc., etc Ah! patriarche, évitez d'aussi grands dangers, tenez-moi parole, envoyez-moi vos ouvrages, et je vous promets que vous ne recevrez plus de moi ni d'ouvrages soporifiques, ni de poisons léthargiques, ni de médisances sur les patriarches, leurs sœurs, leurs nièces, leurs brebis et leur inexactitude, et que je serai toujours avec l'admiration due au père des croyants, etc

408. DE VOLTAIRE.

(Ferney) novembre 1769.

Sire, un Bohémien qui a beaucoup d'esprit et de philosophie, nommé Grimm, m'a mandé que vous aviez initié l'Empereura à nos saints mystères, et que vous n'étiez pas trop content que j'eusse passé près de deux ans sans vous écrire.

Je remercie V. M. très-humblement de ce petit reproche; je lui avouerai que j'ai été si fâché et si honteux du peu de succès de la transmigration de Clèves, que je n'ai osé depuis ce temps-là présenter aucune de mes idées à V. M. Quand je songe qu'un fou et un imbécile comme Ignace a trouvé une douzaine de prosélytes qui l'ont suivi, et que je n'ai pas pu trouver trois philosophes, j'ai été tenté de croire que la raison n'était bonne à rien; d'ailleurs, quoi que vous en disiez, je suis devenu bien vieux, et malgré toutes mes coquetteries avec l'impératrice de Russie, le fait est que j'ai été longtemps mourant, et que je me meurs.

Mais je ressuscite, et je reprends tous mes sentiments envers V. M. et toute ma philosophie pour lui écrire aujourd'hui, au


a Allusion à l'entrevue du Roi avec l'empereur Joseph II, à Neisse, au mois d'août 1769. Voyez t. VI, p. 27 et 28. Voltaire appelle le baron de Grimm Bohémien à cause de son opuscule satirique intitulé le Petit prophète de Böhmischbroda, etc. Voyez t. XVIII, p. 100 et 259.