<271>votre talent ne vieillit point. Conservez cet esprit rajeuni, et, dussiez-vous faire ma satire en vers sanglants à l'âge de cent ans, je vous réponds d'avance que je ne m'en fâcherai point, et que le Patriarche de Ferney peut dire tout ce qu'il lui plaît du Philosophe de Sans-Souci. Vale.

482. DE VOLTAIRE.

Ferney, janvier 1774.

Sire, quoique je vous aie donné à tous les diables, vous et Cyrus, et le grand Gustave, etc., cependant je propose à V. M. quelque chose de divin, ou plutôt de très-humain et de très-digne d'elle. Ce n'est point ici une plaisanterie; c'est une grâce très-réelle que je vous conjure de m'accorder.

Ce jeune gentilhomme qui est, sous le nom de Morival, lieutenant au régiment d'Eichmann, à Wésel, ne peut hériter de son père et de sa mère, tant qu'il sera dans les liens de la procédure criminelle et du jugement abominable porté contre lui dans Abbeville lorsqu'il n'avait qu'environ seize ans; il est fils d'un président d'Abbeville, et son nom est d'Étallonde. On a été très-content de lui à Wésel, depuis qu'il est à votre service. Je sais que c'est un des plus braves et des plus sages officiers que vous ayez. Toute son ambition est de vivre et de mourir au service de V. M.; il n'aura jamais d'autre roi et d'autre maître. Mais il est affreux qu'il reste toujours condamné au même supplice dans lequel est mort le chevalier de La Barre, qui avait fait un petit commentaire sur votre Art de la guerre.

Ces assassinats juridiques déshonoreront à jamais cet ancien parlement de Paris, l'ennemi de son roi, de la raison et de la justice, qui, en étant cassé, n'a pas été assez puni.

Il s'agit d'obtenir ou des lettres de grâce pour Morival, ou la cassation de l'arrêt qui l'a condamné. Je supplie donc V. M., avec la plus vive instance, d'accorder à Morival un congé d'un