<343>mine en secret le vieux palais de l'imposture, fondé depuis mille sept cent soixante-quinze années; si on l'avait assiégé dans les formes, on aurait cassé hardiment l'infâme arrêt qui ordonna l'assassinat du chevalier de La Barre et de Morival. On en rougit, on en est indigné, mais on s'en tient là; on n'a pas eu le courage de condamner ces exécrables juges à la peine du talion. On s'est contenté d'offrir une grâce dont nous n'avons point voulu. Il n'y a que vous de vraiment grand. Je remercie V. M. avec des larmes d'attendrissement et de joie. J'ai demandé à V. M. ses derniers ordres, et je les attends pour renvoyer à ses pieds ce Morival, dont j'espère qu'elle sera très-contente. Daignez conserver vos bontés pour ce vieillard qui ne se porte pas si bien que Le Kain le dit.

527. A VOLTAIRE.

Potsdam, 13 août 1775.

C'est à vous qu'il faut attribuer tout le bien qu'on aurait voulu faire à Morival. Le protecteur des Calas et des Sirven méritait de réussir de même en faveur du premier. Vous avez eu le rare avantage de réformer, de votre retraite, les sentences cruelles des juges de votre patrie, et de faire rougir ceux qui, placés près du trône, auraient dû vous prévenir. Pour moi, je me borne dans mon pays à empêcher que le puissant n'opprime le faible, et d'adoucir les sentences qui quelquefois me paraissent trop rigoureuses. Cela fait une partie de mes occupations. Lorsque je parcours les provinces, tout le monde vient à moi; j'examine par moi-même et par d'autres toutes les plaintes, et je me rends utile à des personnes dont j'ignorais l'existence avant d'avoir reçu leurs mémoires. Cette révision rend les juges plus attentifs, et prévient les procédés trop durs et trop rigoureux.

Je félicite votre nation du bon choix que Louis XVI a fait de ses ministres. « Les peuples, a dit un ancien, ne seront heureux  »