<370>manque de vous qu'un ouvrage sur la tactique. Je l'attends incessamment, comme devant éclore de votre universalité.

J'ai lu la brochure que vous m'avez envoyée, et j'espère bien que vous voudrez y joindre la continuation, qui contiendra sans doute des découvertes et des combinaisons curieuses.

Je viens d'essuyer encore un violent accès de goutte qui me met bien bas. Il faut que la belle saison vienne à mon secours pour me rendre mes forces. En attendant, le marquis de Ferney, intendant du pays de Gex,b soulagera les peuples du fardeau des impôts; il réglera les corvées, et donnera l'échantillon de ce qui pourra servir à établir le bonheur des Velches. Je finirai ma lettre comme Boileau, Épître à Louis XIV :

...... J'admire et je me tais.

Vale.

541. DE VOLTAIRE.

Ferney, 11 mars 1776.

Sire, l'infatigable Achille sera-t-il toujours pris par le pied? L'ingénieux et sage Horace souffrira-t-il toujours de cette main qui a écrit de si belles choses? Vos fréquents accès de goutte alarment ce pauvre vieillard qui vous dit autrefois qu'il voudrait mourir à vos pieds, et qui vous le dit encore. La saison où nous sommes est bien malsaine; notre printemps n'est pas celui que les Grecs ont tant chanté; nous avons cru, nous autres pauvres habitants du Septentrion, que nous avions aussi un printemps, parce que les Grecs en avaient un; mais nous n'avons en effet que des vents, du froid, et des orages. V. M. brave tout cela dès qu'elle est quitte de sa goutte; il n'en est pas de même des octogénaires, qui ne peuvent remuer, et à qui la nature n'a laissé


b Frédéric écrit à d'Alembert, le 30 décembre 1770 : « On dit que Voltaire est devenu marquis, et en même temps intendant du pays de Gex. » D'Alembert répond, le 23 février 1776 : « Il est faux que Voltaire soit devenu marquis et intendant du pays de Gex, comme on l'a dit à V. M. »