<60>coup de patte. Le rat s'en alla dans la souricière, mais il aima toujours le lion; et voyant un jour un filet qu'on tendait pour attraper le lion et le tuer, il en rongea une maille. Sire, le rat baise très-humblement vos belles griffes en toute humilité; il ne mourra jamais entre deux capucins comme a fait, à Bâle, un dogue de Saint-Malo; il aurait voulu mourir auprès de son lion. Croyez que le rat était plus attaché que le dogue.

368. A VOLTAIRE.

(Sagan) 22 septembre 1759.

La duchesse de Saxe-Gotha m'envoie votre lettre, etc.a Comme je viens d'être étrangement ballotté par la fortune, les correspondances ont toutes été interrompues. Je n'ai point reçu votre paquet du 29; c'est même avec bien de la peine que je fais passer cette lettre, si elle est assez heureuse de passer.

Ma position n'est pas si désespérée que mes ennemis le débitent. Je finirai encore bien ma campagne; je n'ai pas le courage abattu; mais je vois qu'il s'agit de paix. Tout ce que je puis vous dire de positif sur cet article, c'est que j'ai de l'honneur pour dix, et que, quelque malheur qui m'arrive, je me sens incapable de faire une action qui blesse le moins du monde ce point si sensible et si délicat pour un homme qui pense en preux chevalier, si peu considéré de ces infâmes politiques qui pensent comme des marchands.

Je ne sais rien de ce que vous avez voulu me faire savoir; mais, pour faire la paix, voici deux conditions dont je ne me départirai jamais : 1o de la faire conjointement avec mes fidèles alliés; 2o de la faire honorable et glorieuse. Voyez-vous, il ne me reste que l'honneur; je le conserverai au prix de mon sang.

Si on veut la paix, qu'on ne me propose rien qui répugne à la délicatesse de mes sentiments. Je suis dans les convulsions des


a Voyez t. XVIII, p. 195.