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372. AU MÊME.b

Freyberg, 20 mars 1760.

TOUJOURS SUR LA PAIX.

Peuple charmant, aimables fous
Qui parlez de la paix sans songer à la faire,
A la fin donc résolvez-vous :
Avec la Prusse et l'Angleterre
Voulez-vous la paix ou la guerre?
Si Neptune sur mer vous a porté des coups,
L'esprit plein de vengeance et le cœur en courroux,
Vous formez le projet de subjuguer la terre,
Votre bras s'arme du tonnerre.

Hélas! tout, je le vois, est à craindre pour nous :
Votre milice est invincible,
De vos héros fameux le dieu Mars est jaloux,
La fougue française est terrible,
Et je crois déjà voir, car la chose est plausible.
Vos ennemis vaincus tremblant à vos genoux.
Mais je crains beaucoup plus votre rare prudence,
Qui, par un fortuné destin,
A du souffle d'Éole, utile à la finance,
Abondamment enflé les outres de Bertin.a

Vous parlez à votre aise de cette cruelle guerre. Sans doute les contributions que votre seigneurie de Ferney donne à la France nourrissent la constance des ministres à la prolonger. Refusez vos subsides au Très-Chrétien, et la paix s'ensuivra. Quant aux propositions de paix dont vous parlez, je les trouve si extravagantes, que je les assigne aux habitants des Petites-Maisons, qui seront dignes d'y répondre. Que dirai-je de vos ministres?

Certes, ces gens sont fous, ou ces gens sont des dieux.a


b Cette lettre, tirée des Œuvres posthumes, t. VII, p. 287-290, se trouve déjà dans notre t. XII, p. 154-156; les dix-neuf vers par lesquels elle commence avaient aussi été insérés par Frédéric dans sa lettre au marquis d'Argens, du 20 mars 1760, t. XIX, p. 158 et 159.

a Voyez t. XII, p. 155.