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113. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Pillnitz, 11 septembre 1769.



Sire,

Rien n'est mieux tourné que les hippogriffes et les observations que V. M. a faites dans le ciel. Il eût été agréable, sans doute, d'y voyager, et de causer deux ou trois insomnies aux astronomes, qui probablement m'auraient prise pour une comète, et qui n'auraient pas manqué de calculer mon orbite, mon périhélie et mes nœuds. Mais comme je ne me propose de quitter la terre que lorsque je ne pourrai faire mieux, je vous avertis, Sire, que ce n'est pas aux nues qu'il vous faut faire attention, mais à vos grands chemins. Si votre lettre était rendue à temps pour que j'eusse pu me rendre à votre obligeante invitation, si j'avais cru un temps de fête propre à entretenir V. M. tout à mon aise, si je n'avais pas craint d'être distraite par des plaisirs subalternes du seul plaisir que j'ambitionne, vous m'auriez vue infailliblement, Sire; et dès que je vous croirai assez de loisir pour me donner quelques heures, vous me verrez encore, non sans doute pour achever de vous connaître, car qui ne connaît pas le héros du siècle, ou plutôt celui de tous les temps? C'est précisément parce que j'ai le bonheur de connaître V. M. que je désire passionnément de la revoir. Quand une fois les femmes se passionnent pour une chose, elles ont, dit-on, l'imagination vive et l'exécution prompte. Prenez-y garde, Sire; vous n'avez qu'à me dire un mot, vous n'avez qu'à m'indiquer le moment où je pourrai vous faire ma cour sans vous être à charge, et vous me verrez voler au seul but où mon cœur aspire.

Le souvenir de madame la landgrave de Darmstadt m'a fait un plaisir sensible. Je l'honore singulièrement, et je ne suis point surprise qu'elle ait gagné l'estime de V. M. Ce qui me réjouit encore plus, c'est de voir son aimable fille remplir votre attente. J'ai dit à l'Électrice ma bru que sa cousine pense souvent à elle; je ne pouvais rien lui dire qui la touchât davantage. Nous vous réitérons nos bénédictions; puissent-elles reposer sur vous, tout