<209>vie à laquelle j'étais rappelée, que le souvenir dont V. M. m'honore, et les assurances qu'elle m'en a fait porter par M. de Borcke. Il faut bien, disais-je en moi-même, que mon existence ici-bas soit de quelque prix, puisque Frédéric s'y intéresse.

La lettre, Sire, que vous avez daigné me faire communiquer par ce même ministre a confirmé mon attente. Sous de tels auspices, l'affaire ne peut manquer de prospérer, surtout après la mort du père, avant laquelle je doute qu'on se décide. Je la recommande à la continuation de sa protection. Cette nouvelle preuve de vos bontés pour moi redoublerait ma gratitude, si, après tout ce que je vous dois, Sire, et ce que vous êtes, ma reconnaissance, mon estime, mon admiration, tous les sentiments que je vous ai voués, pouvaient être susceptibles d'accroissement. Ma main est encore trop tremblante pour en dire davantage, surtout étant fort gênée en écrivant au lit. Je finis donc en lui protestant qu'avec ces sentiments je serai jusqu'au dernier soupir, etc.

140. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Le 11 décembre 1770.



Madame ma sœur,

Détrompé depuis longtemps des illusions où les hommes placent le bonheur, je m'étais persuadé qu'on ne pouvait trouver ce bonheur que dans l'amitié. Je croyais jouir de cette félicité, connaissant, madame, les bontés que V. A. R. avait pour moi; mais j'ai encore appris par cette dernière et cruelle expérience que, dans toutes les choses du monde, la somme des maux l'emporte sur celle des biens. Tous ceux qui vous sont attachés, madame, entre lesquels je me compte le premier, ont frémi à la nouvelle du danger où V. A. R. s'est trouvée; j'ai tremblé pour la Saxe, pour l'Allemagne, et, en vérité, pour moi-même, car on ne saurait s'empêcher d'envisager les événements relativement au rap-