<311>le front d'Héraclite en personne, qui dans ce moment n'ajoute à ma douleur. Rien n'est stable ici-bas; Frédéric même le reconnaît. Mais l'a-t-il bien éprouvé comme moi, lui qui, enchaînant la fortune à sa volonté, a su lui commander de suivre ses pas? Puisse-t-elle vous obéir toujours, comme elle le doit! puisse le plus grand des hommes en être toujours le plus fortuné! Ce sont des vœux, Sire, que je ne cesse de faire pour vous au sein de l'affliction comme au milieu de la joie; les événements ne peuvent rien sur l'estime inaltérable et sur la haute admiration avec laquelle je ne cesserai d'être, etc.

212. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

(Potsdam) 10 février 1778.



Madame ma sœur,

La goutte, que j'ai eue à la main droite, doit me servir d'excuse légitime envers V. A. R. du délai que j'ai mis à répondre à sa gracieuse lettre. J'entre dans tous les chagrins domestiques dont elle est affligée; mais, madame, telle est la condition des hommes, qu'il n'en est aucun, dans l'univers, à l'abri de ces sortes d'infortunes. Il faut plier sous la nécessité des causes qui amènent les événements, non pas comme nous les désirons, mais selon que l'exigent des combinaisons à jamais cachées à nos yeux. V. A. R. a témoigné de la fermeté dans tant d'occasions pénibles où elle s'est trouvée, et j'ai tant de confiance dans sa grandeur d'âme, que j'espère avec assurance que, dans le cas présent, elle saura prescrire des bornes à sa douleur. Le malheureux coup qui l'afflige est arrivé contre l'attente de toute l'Europe; on pouvait présumer qu'un prince robuste et sain jouirait encore d'une longue vie. Cependant l'enfant meurt au berceau, comme le vieillard octogénaire; tous les âges sont égaux pour la mort, qui ne respecte ni les années, ni les dignités. Je souhaite seulement qu'elle