<327>croyaient que, lorsque la trompette guerrière sonnait au Mexique ou bien au Canada, il fallait se battre en Europe; il me paraît qu'on est entièrement revenu de ce préjugé. On est alternativement tantôt acteur, tantôt spectateur, et je crois que c'est le parti le plus sage. D'ailleurs, les misérables barques du Danube et de l'Elbe ne figureraient pas, je crois, parmi les grandes citadelles mouvantes qui couvrent la mer océane de leur immense poids, et qui bravent à la fois les équinoxes et tous les vents qu'Éole a renfermés dans ses gouffres. Cette guerre continuera sûrement encore l'année prochaine, et la renommée nous instruira de tous les hauts faits d'armes des héros marins par ses trompettes, messieurs les gazetiers de Leyde, d'Amsterdam, de Londres, de Paris et de Hambourg; et nous aurons la satisfaction de lire tranquillement comment M. d'Estaing a habilement profité du vent de nord-est qui est venu à souffler, comment M. de la Motte-Piquet a arboré à propos la voile du mât de misaine, comment M. Hardy a cinglé avec un vent de sud-est, et enfin l'histoire des trente-deux vents, fort intéressante pour tous ceux qui ne sont pas sujets aux fluxions, et qui ne craignent pas les vents coulis. Nous autres animaux terrestres, qui ne sommes pas accoutumés à vivre avec les baleines, les dauphins, les turbots et les morues, nous faisons, je crois, sagement de nous en tenir à l'élément qui est fait pour nous. Je ne fais aucun scrupule de protester que je préfère de beaucoup le culte de la divine Antonia à celui de la divine Amphitrite; j'abandonne à ses adorateurs cette reine des mers, et me contente de la permission d'assurer la première de mon admiration et de la haute considération avec laquelle je suis, etc.