<430>sécuter; ceux qui sont éclairés et humains doivent être tolérants. Que cette odieuse persécution soit un crime de moins pour notre siècle, c'est ce qu'on doit attendre des progrès journaliers que fait la philosophie; il serait à souhaiter qu'elle influât autant sur les mœurs que la philosophie des anciens. Je pardonne aux stoïciens tous les écarts de leurs raisonnements métaphysiques, en faveur des grands hommes que leur morale a formés. La première secte pour moi sera constamment celle qui influera le plus sur les mœurs, et qui rendra la société plus sûre, plus douce et plus vertueuse. Voilà ma façon de penser; elle a uniquement en vue le bonheur des hommes et l'avantage des sociétés.

N'est-il pas vrai que l'électricité et tous les prodiges qu'elle découvre jusqu'à présent n'ont servi qu'à exciter notre curiosité? n'est-il pas vrai que l'attraction et la gravitation n'ont fait qu'étonner notre imagination? n'est-il pas vrai que toutes les opérations chimiques se trouvent dans le même cas? Mais en vole-t-on moins sur les grands chemins? vos traitants en sont-ils devenus moins avides? rend-on plus scrupuleusement les dépôts? calomnie-t-on moins, l'envie est-elle étouffée, la dureté de cœur en est-elle amollie? Qu'importent donc à la société ces découvertes des modernes, si la philosophie néglige la partie de la morale et des mœurs, en quoi les anciens mettaient toute leur force? Je ne saurais mieux adresser ces réflexions, que j'ai depuis longtemps sur le cœur, qu'à un homme qui, de nos jours, est l'Atlas de la philosophie moderne, qui, par son exemple et ses écrits, pourrait remettre en vigueur la discipline des Grecs et des Romains, et rendre à la philosophie son ancien lustre. Sur ce, etc.

45. DE D'ALEMBERT.

Paris, 29 janvier 1768.



Sire,

Je viens de recevoir et de lire avec la plus grande sensibilité l'Éloge que V. M. a fait du jeune et digne prince qu'elle a eu le