<622>qui fait mouvoir cette belle et grande machine, et de soumettre sa tragédie du Connétable de Bourbon au jugement du monarque qui réunit le génie d'Apollon à celui de Mars.

M. le comte de Crillon sera plus heureux, Sire; il aura le bonheur de revoir V. M.; il lui dira des nouvelles de ces Russes qui devraient bien faire la paix, et de ces Suédois qui feront bien de ne point faire la guerre; mais ce qui m'intéresse infiniment, il me dira des nouvelles de V. M., et lui renouvellera l'hommage des sentiments de respect, de reconnaissance et d'admiration que je lui dois. Je prends la liberté de recommander de nouveau M, le comte de Crillon aux bontés de V. M.; j'ose lui répéter que plus elle le connaîtra, plus elle l'en trouvera digne, et qu'elle le distinguera de cette horde de jeune noblesse française qui lui a donné à juste titre si mauvaise opinion du reste.

On m'écrit que Diderot est à la Haye; la maladie du pays le pressait de revenir en France. J'aurais fort désiré que V. M. l'eût vu et jugé, et je suis persuadé qu'il lui aurait plu par la douce chaleur de sa conversation et par l'aménité de son caractère.

Je suis chargé, Sire, de présenter à V. M. une requête de la part d'un jeune homme du plus grand mérite, nommé M. de Villoison,a que son profond savoir a fait recevoir à l'Académie des belles-lettres de Paris avant l'âge de vingt ans; il est à cet âge ce que les Grotius, les Petau, les Scaliger, ont été à cinquante, mais avec plus de goût et d'esprit que ces messieurs. Il serait très-flatté d'obtenir une place d'associé étranger dans l'Académie que la protection de V. M. rend si florissante. Il vient de donner un ouvrage sur Homère, que tous les savants regardent comme un prodige de savoir et de travail, et qu'il prendrait la liberté de présenter à V. M., s'il ne craignait que le grec dont cet ouvrage est hérissé ne la fît reculer deux pas en arrière. J'ose assurer à V. M. que le nom de ce rare jeune homme ne déparera point la liste de son Académie, et je lui demande cet honneur pour M. de Villoison.


a Jean-Baptiste-Gaspard d'Ansse de Villoison, célèbre helléniste, naquit à Corbeil le 5 mars 1750, et mourut à Paris le 26 avril 1805. Son édition de l'Iliade, bien supérieure à toutes les éditions précédentes, parut à Venise, en 1788, grand in-folio.