141. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 17 janvier 1771.



Sire,

Pardonnez, Sire, si cette fois je ne pense point, comme Votre Majesté, que la somme des maux l'emporte sur celle des biens. <211>Le bien d'être connue de Frédéric, d'oser se flatter d'avoir quelque part à l'estime et aux bontés du plus grand des hommes, d'en recevoir les témoignages les plus touchants, ce bien seul compense abondamment tout le mal que j'ai déjà enduré. Je ne sais jusqu'en quel point les prières des mortels peuvent faire changer les décrets de la Providence; mon bon père confesseur croira comprendre cette rubrique mieux que V. M. et moi. Je lui laisse le soin d'expliquer ce que peut-être il n'entend guère mieux; et, sans prétendre deviner si les vœux de V. M. sont aussi efficaces dans le ciel que ses volontés le sont sur la terre, je me contente de savoir par mon expérience que l'assurance de l'intérêt que vous prenez, Sire, à ma convalescence l'accélère plus que toute autre chose. C'est un excellent spécifique que d'oser se flatter d'intéresser le héros dont le goût et le jugement décide le jugement de l'univers; rien n'est plus propre à nous rendre la vie chère, et la lettre de V. M. a plus ranimé mes esprits en un quart d'heure que tous les remèdes de mes médecins. Oui, Sire, il n'y a rien que je ne fasse pour prolonger des jours que je passerai à vous admirer, à vous révérer, et à songer aux heureux moments que vous m'avez fait goûter. Je cajolerai ma goutte le mieux qu'il me sera possible, et, après toutes les merveilles que V. M. a opérées, elle aura encore fait celle de faire rougir tout l'art de la Faculté, ce qui n'est pas peu de chose. C'est ainsi, Sire, que je suivrai vos conseils, heureuse si par mon obéissance je puis vous convaincre de tous les sentiments avec lesquels je suis, etc.

Si V. M. l'approuve, après que par ses bontés elle donne une idée si avantageuse de ma fille à Turin, je crois qu'il faut laisser dormir cette affaire jusqu'à ce que le duc soit en état de disposer librement de ses enfants. Comme vous m'avez fait l'honneur de me dire, en parlant du prince Louis de Würtemberg, que son inconstance naturelle l'avait déjà fait voir à V. M. sous plusieurs formes différentes, je prends la liberté de le présenter, par l'homélie que j'ai prié M. de Borcke de vous présenter, Sire, sous celle d'un pénitent anachorète. J'avoue que c'est celle sous laquelle je ne croyais jamais le rencontrer. J'ose vous prier cepen<212>dant de n'en point parler. Je serais fâchée par mon indiscrétion d'augmenter son ridicule.

M. de Borcke rendra compte à V. M. de l'état de ma convalescence. Je ne puis cesser de me louer de l'assiduité et des attentions de ce ministre. Ils sont d'autant plus flatteurs pour moi, que j'en vois la source dans les bontés de V. M.