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21. DU COMTE DE MANTEUFFEL.

Berlin, 4 mai 1736.



Monseigneur,

J'ai aujourd'hui la réception de deux de vos lettres à accuser, savoir, de celles que V. A. R. m'a fait la grâce de m'écrire les 26 et 29 du passé. Je ne me suis pas pressé de riposter à la première, parce que, sachant V. A. R. dans le goût de se gâter les yeux dans le champ de la gloire martiale, je n'ai pas cru me devoir mêler d'en augmenter le mal par la lecture de mon griffonnage. Mais comme elle a été inexorable à la prière que je lui fis dernièrement de ne pas se presser de me répondre, tant que ses yeux ne seraient pas entièrement rétablis, et que sadite lettre a été suivie ce matin d'une autre encore plus longue que la première, je vois bien qu'un plus long silence ne passerait pas dans l'esprit de V. A. R. pour une œuvre fort méritoire.

Je ne le romps cependant que pour lui dire très-humblement qu'il m'est impossible de lui mander aujourd'hui toutes les réflexions que sesdites lettres m'ont fait faire. La raison en est qu'elles me donnent tant d'occasions d'exercer mes droits de Quinze-Vingt, que j'aurais à faire d'ici après-demain, si je voulais vider tout mon sac à la fois. C'est pourquoi V. A. R. voudra bien se contenter, pour cette fois. d'un petit catalogue des matières sur lesquelles je serais fort tenté de me donner carrière.

1o Je n'aurais absolument rien à redire à la confession de foi, dès que V. A. R. prend le cœur et l'âme pour synonymes. Je défie alors tous les Beausobres et tous les chrétiens sensés d'y trouver un mot à changer.

2o Il n'en est pas de même à l'égard de ce qu'elle dit des péchés, et de la distinction qu'elle fait entre ceux du tempérament et ceux du cœur. Je pense un peu différemment là-dessus, et je crois que quand V. A. R. viendra à lire ce que Wolff dit au sujet des passions, elle trouvera que ce philosophe en pense pareillement un peu autrement qu'elle. Mais c'est un sujet si riche, que je n'ai garde de l'entamer aujourd'hui.

3o Il en est à peu près de même de ce qu'elle me fait l'hon-