216. AU MÊME.162-b

Je ne sais par quel hasard les détails des jugements de ce pays-ci se sont répandus dans les pays étrangers. Les lois sont faites pour protéger les faibles contre l'oppression des puissants; elles seraient observées partout, si l'on surveillait attentivement ceux qui en sont les organes et les exécuteurs. Vous avez des discours admirables de vos présidents aux rentrées du parlement, qui font voir que ces juges habiles tâchaient de prémunir les conseillers <146>contre toutes les faiblesses et les vices de l'humanité qui pouvaient les induire à prévariquer; mais il ne suffit pas toujours d'avertir, il faut quelquefois des exemples de sévérité pour contenir un si grand nombre de conseillers dans leur devoir. Les souverains sont originairement les juges de l'État;162-c la multitude d'affaires les a obligés de se décharger de cet emploi sur des personnes auxquelles ils confient la partie de la législation; toutefois ils ne doivent pas négliger cette partie de l'administration jusqu'à tolérer qu'on abuse de leur nom et de leur autorité pour commettre des injustices. Voilà la raison qui m'oblige à surveiller ceux qui sont chargés de rendre la justice, parce qu'un juge inique est pire qu'un voleur de grands chemins. Assurer leurs possessions à tous les citoyens, et les rendre heureux autant que le compromet163-a la nature humaine, sont les devoirs de tous ceux qui se trouvent à la tête des sociétés, et je tâche de les remplir de mon mieux; sans cela, à quoi me servirait d'avoir lu Platon, Aristote, les lois de Lycurgue et celles de Solon? Pratiquer les bonnes leçons des philosophes, c'est la véritable philosophie; vous en donnerez aux siècles futurs, et vos leçons, qui germeront dans les têtes de la postérité, formeront à leur tour des hommes qui tâcheront d'être les bienfaiteurs de leurs semblables. Sur ce, etc.


162-b Cette lettre sans date, répondant au passage principal du troisième alinéa de notre no 214, semble être une sorte d'appendice du no 215.

162-c Voyez t. VIII, p. 71, 189 et 190.

163-a II faut probablement lire comporte. La traduction allemande des Œuvres posthumes, t. XI, p. 263, porte : als es die Natur des Menschen gestattet.