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55. AU MÊME.

Bautzen, 8 (octobre 1758).



Mon cher frère,

Vous pouvez compter que Daun avec toute son armée est entre Hochkirch et Löbau; le prince de Durlach est du côté de Reichenbach, et Loudon à Hochkirch même; de sorte que vous n'avez plus rien à appréhender de ce côté-là. Vous n'avez que les cercles, que je vous abandonne. Le général de Ville s'est retiré du pays de Glatz sur Patschkau. Voilà toutes mes nouvelles. Le maréchal Keith me joindra demain, et après-demain je ferai ce que je pourrai pour resserrer l'ennemi et l'obliger à finir le plus tôt possible celte campagne. Daun a fait défendre sous peine des verges aux soldats de parler des Turcs. L'on assure qu'ils se renforcent à Belgrad. Ma santé, à laquelle vous daignez vous intéresser, va un peu mieux; mais il est bien difficile de se bien porter lorsque l'esprit sent du mal-être, et se trouve dans une agitation continuelle. Adieu, mon cher frère. Dès qu'il y aura quelque chose qui en vaudra la peine, je vous le manderai incontinent. Vous priant de me croire avec une parfaite tendresse, etc.

56. AU MÊME.

(Rodewitz) ce 10 (octobre 1758).



Mon cher frère,

Si j'avais le don de prophétie, je vous expliquerais très-clairement tout ce qui se fait et se fera; mais je ne suis qu'un pauvre diable dont les idées sont bornées aux rapports de mes sens. Si j'ose hasarder mes conjectures, j'ose assurer d'avance que nos affaires iront bien, et qu'avec cinq ou six marches nous dérangerons tous les projets de Daun. Je fonde mon assurance sur la témérité qu'il a eue de mettre toute son armée en détachements.