<319>les affaires les plus sérieuses peuvent être envisagées par ceux qui s'en occupent dans la retraite, et qui n'ont aucun rapport direct à l'intérêt qui agite ceux qui paraissent sur le grand théâtre du monde. Je voudrais que tous ces objets ne fussent qu'un simple amusement pour vous, et que du moins ces affaires intéressantes n'eussent toujours que des objets agréables à vous offrir, ou bien que, si elles sont plus intimes, elles n'aient pour fin que ce qui contribue à votre satisfaction, à votre gloire et à votre contentement; c'est ce que je désire du fond du cœur, étant avec le plus sincère et respectueux attachement, etc.

202. AU PRINCE HENRI.

Ce 3 (août 1769).

Je vous félicite de jouir d'une tranquillité philosophique à Rheinsberg. Je voudrais, mon cher frère, que les choses de l'Europe ne fussent qu'un simple spectacle pour moi; je m'en amuserais, au lieu qu'à présent elles me donnent souvent de l'inquiétude. Par exemple, les Russes viennent de prendre Chotzim. Cela va leur donner une supériorité si marquée pour cette campagne sur leurs ennemis, que l'arrogance et la hauteur de l'Impératrice en augmenteront encore, si tant y a qu'elles puissent augmenter. En attendant, l'Empereur a fixé le jour de son arrivée au 25 de ce mois, de sorte qu'il faudra que nous partions le 12,a pour que j'aie le temps de faire une petite tournée en des lieux où ma présence est nécessaire. Nous verrons alors par nos yeux ce qui en est, et à quel point ce prince mérite les éloges qu'on lui donne, ainsi que ce que l'on pourra s'attendre de lui. Tout cela, dans le fond, ne me touche guère, puisque je serai longtemps mort et oublié quand il commencera à paraître. Je vous embrasse, mon


a Frédéric, accompagné du prince Henri, partit le 12 de Charlottenbourg pour la Silésie.