<348>rez aucune envie de séjourner, que vous briserez des voitures, et que vous resterez longtemps en chemin. J'ai dîné aujourd'hui chez ma sœur Amélie, où il a été beaucoup question de vous, mon cher frère; mais comme vous étiez en bonnes mains, vous n'avez rien à appréhender de ce qui s'est dit sur votre sujet. Demain je retourne à Potsdam, dans ma solitude, où j'espère, comme vous m'en flattez, d'avoir le plaisir de vous voir et de vous embrasser le mois qui vient, et de vous assurer de vive voix de la tendresse sincère et de la haute estime avec laquelle je suis, etc.

230. AU MÊME.

Potsdam, 24 janvier 1771.

Je crains beaucoup que si les Russes ne se désistent de leur grand projet d'abaisser les Turcs, ils n'entrent, cette année encore, en guerre contre la maison d'Autriche. Cela me mettra dans un grand embarras. Jamais les Autrichiens ne consentiront à l'abaissement de la Porte; pour moi, je me verrai forcé de demeurer neutre dans cette bagarre, la guerre étant encore trop prématurée pour nous. Celle dont nous sortons a été trop ruineuse et trop violente pour que nous puissions sitôt en entreprendre une nouvelle, et ce qu'on nous fait voir en perspective, l'Ermeland, ne vaut pas la peine de dépenser six sous pour l'acquérir. Si les Autrichiens entrent en guerre avec les Russes, comme je le crains fort, il y aura bien entre eux d'autres choses à régler que ce cordon de la Pologne, qu'ils ont envahie; ainsi je ne me presserai pas, et j'attendrai si les événements favorisent pour faire quelque acquisition, ou bien je demeure comme je suis. En attendant, à tout moment que la paix continue nous acquérons de nouvelles forces, et si la Russie et l'Autriche s'épuisent les unes contre les autres, je crois qu'il y aura plus à gagner pour la puissance neutre que pour les puissances belligérantes; du moins pourrai-je soutenir ma neutralité avec dignité. J'attends votre retour,