<356>

237. AU MÊME.

Le 9 avril 1772.



Mon cher frère,

A présent, mon cher frère, le gros de notre ouvrage est fait; il n'est plus question que de voir les propositions des Autrichiens pour leur part, car ils ont si fort tergiversé dans leurs projets, qu'il est impossible de deviner à quoi ils ont résolu de s'arrêter. Je crois cependant que pour ne pas entièrement révolter leurs alliés, ils se contenteront de prendre leur portion de la Pologne, et cela, mon cher frère, réunira les trois religions grecque, catholique et calviniste; car nous communierons du même corps eucharistique, qui est la Pologne, et si ce n'est pas pour le bien de nos âmes, cela sera sûrement un grand objet pour le bien de nos États. Un objet non moins important dans notre position actuelle, c'est les grains que je trouve encore à acheter en Pologne, et dont le plat pays aura besoin en bien des contrées pour gagner le mois de décembre. Les maladies contagieuses font un ravage cruel en Bohême; celles qui règnent en Saxe sont moins considérables. Jusqu'ici, heureusement, nous n'en avons pas de dangereuses. Le temps favorable nous promet une bonne récolte, mais il y a encore quelques hasards à courir; toutefois pouvons-nous bien espérer. Je crains que mes sœursa ne se complairont pas fort à Wusterhausen;b elles se rappelleront un vieux rêve, et, à l'exception de leurs personnes, elles ne trouveront aucun de ceux qu'elles y ont vus dans leur jeunesse. Cette vue leur réveillera le triste souvenir des pertes que notre famille a faites. Pour moi, j'évite avec soin tous les endroits où j'ai vu des personnes que j'ai aimées; leur souvenir me rend mélancolique, et


a La duchesse de Brunswic, la reine douairière de Suède et la princesse Amélie.

b Frédéric-Guillaume Ier avait coutume de séjourner chaque année avec sa famille à Wusterhausen (Königs-Wusterhausen), de la fin du mois d'août au commencement de novembre, pour s'y livrer au plaisir de la chasse. Voyez (David Fassmann) Leben und Thaten des Königs von Preussen Friderici Wilhelmi, t. I, p. 886 et suivantes; Mémoires de la margrave de Baireuth, t. I, p. 99, 123 et 327-329; enfin, t. I, p. 181 et 182, et t. XXV, p. 550 et 551 de notre édition.