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292. AU MÊME.

Le 3 mars 1778.



Mon très-cher frère,

Je ne puis, mon cher frère, jusqu'ici vous rien écrire encore qui puisse vous éclaircir sur l'obscurité de l'avenir. Les Français ne donneront une réponse précise qu'au retour de leur courrier de Vienne, et vous voyez quel circuit ces nouvelles font avant qu'elles nous parviennent. Je suis entièrement de votre opinion sur la conduite de la cour de Vienne; je n'y vois que de la hauteur, de l'arrogance, de la violence, mais point d'adresse ni de bonne politique. Messieurs les Saxons me donnent aussi de l'occupation. Ces princes de l'Empire sont tous éreintés, sans énergie et sans honneur; ce prince de Deux-Ponts a été poussé à ce qu'il a fait; mais, abandonné à lui-même, il se serait livré à l'infamie comme son oncle l'Électeur palatin. Cela fait la honte de notre siècle, et j'en rougis pour l'Allemagne. On ne sait encore rien à Pétersbourg du dessein des Turcs d'en venir à une rupture. Je vous avoue que mon étonnement est extrême de la léthargie de cette puissance, et de la nonchalance dont elle traite les affaires qui tiennent à sa conservation. Voici un bulletin de France; il ne contient pas des choses évidemment vraies, mais ce sont les discours du tiers état, où l'on démêle parmi bien des fausses nouvelles quelques étincelles de vérité. Voici encore des nouvelles de Bavière et quelques nouvelles de la Silésie. Tout cela, mon cher frère, ne fournit jusqu'à présent que de faibles inductions. Ce ne sera que vers la fin de ce mois qu'on pourra juger quel tour prendra cette maudite affaire. Je suis, etc.