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352. AU PRINCE HENRI.

Breslau, 11 décembre 1778.



Mon très-cher frère,

J'ai été sensiblement touché, mon cher frère, de la lettre que vous m'avez écrite; mais la goutte m'avait mis hors d'état d'écrire, parce que je l'avais aux deux jambes et à la main gauche. Maintenant que mes jambes sont un peu dégagées, je puis du moins griffonner tant bien que mal. Mais pour en revenir à votre lettre, vous devez comprendre, mon cher frère, qu'elle me met dans un grand embarras, puisque les personnes comme vous ne se trouvent pas facilement. Je ne puis donner le commandement de cette armée qu'au Prince héréditaire; mais mes affaires péricliteraient assurément, si je le tirais à présent de la Haute-Silésie, où il m'est encore impossible de me transporter moi-même. Je dois vous dire, de plus, que nous sommes à présent dans l'incertitude si la paix se fera, ou si la guerre continuera. J'attends donc de votre amitié et de votre complaisance que vous voudrez différer votre résolution jusqu'au temps qu'on voie plus clair dans les affaires générales, et que le prince Repnin se soit expliqué sur les intentions de la Russie, et surtout que je puisse retirer avec sûreté le Prince héréditaire de la Haute-Silésie, du moins que je ne coure aucun risque à le translater ailleurs. Ce que vous ajoutez, mon cher frère, que vous craignez d'être oublié, serait bon dans la bouche d'un homme qui ne s'est jamais illustré; mais j'ose vous dire que ces propos ne vous conviennent pas, à moins de supposer que le public est injuste, et que je suis le plus ingrat des hommes, et j'espère que vous ne pensez pas ainsi sur mon sujet. D'ailleurs, la mauvaise saison et les mauvais chemins font que tout le monde est tranquille chez soi. Nos quartiers ne sont plus inquiétés; la dernière affaire de Jagerndorf a trop coûté aux Autrichiens, qui nous laissent depuis en repos. Je suis, etc.