<512>fera voir si son ambition s'assoupit, ou si elle se réveille. Je ne m'attends pas à beaucoup du pays où vous êtes, par bien des raisons que vous devinez sans doute. Voici une chance qui s'offre : les Hollandais refusent net de souscrire aux usurpations du commerce de l'Escaut, que l'Empereur se veut approprier. Il se peut que d'un moment à l'autre il y ait en Flandre quelques hostilités commises, et dès lors la France se trouvera dans de grands embarras. Mais j'abrége tous mes raisonnements, dans l'espérance de vous revoir bientôt, de vous entendre et de vous expliquer mes réflexions de vive voix.

391. AU MÊME.

Le 17 octobre 1784.



Mon très-cher frère,

Quand on se trouve à Paris, mon cher frère, une foule de matières se présentent sous la plume; une ville prodigieusement peuplée, une nation industrieuse, sont des sources intarissables dans lesquelles on puise cent choses agréables, intéressantes et instructives. Je me trouve en cela fort arriéré, et hors d'état de vous rendre la pareille. Vous entretiendrai-je de mes vignes, qui ont produit des raisins fort médiocres, de nos arbres, que le froid dépouille de leurs feuilles, de mon jardin, que le froid m'obligera d'abandonner dans peu? Que vous dirai-je de la société? Je vis reclus comme les moines de la Trappe sur lesquels vous avez jeté un coup d'oeil; je travaille, je me promène, et je ne vois personne. Mais je m'entretiens avec les morts en lisant leurs bons ouvrages, ce qui vaut mieux que d'invoquer les mânes et de s'entretenir avec Sorbon et son mauvais génie, usage que la maçonnerie a mis en vogue, et que la superstition populaire adopte. Je vous prie, mon cher frère, de vous familiariser un peu avec les ermites gaulois, pour qu'en revenant vous puissiez vivre avec votre vieux frère, qui ne tient plus au monde que par