53. AU MÊME.

(Rammenau) 1er octobre 1758.



Mon cher frère,

Vous faites à merveille de faire enlever des magasins à l'ennemi et de lui rendre la subsistance difficile. C'est à peu près tout ce que vous et moi pouvons faire dans les circonstances présentes. On dit qu'il y a une centaine de hussards sur nos frontières, du côté de Mittenwalde. Si vous pouviez envoyer quatre-vingts ou <190>cent hommes de ce côté-là, cela rétablirait toute la communication. Pour ce que vous me dites, mon cher frère, de ce que vous souffrez, je n'en doute pas un moment. Je l'éprouve par moi-même, et je vous assure que si ce n'était le point d'honneur, il y a longtemps que j'aurais exécuté ce que je vous ai souvent dit l'année passée.217-a Ce que l'on nous a écrit des mouvements des Turcs se confirme journellement par quantité d'avis différents; mais vous m'entendez. Enfin, Job et moi nous sommes obligés d'exercer notre patience;217-b en attendant, la vie s'écoule, et après avoir tout vu et tout considéré, ce n'a été qu'embarras, peines, soucis, afflictions. Était-ce la peine de naître? Adieu, mon cher frère. Je ne veux pas noircir davantage votre imagination, et je crois que vous l'avez assez triste, sans que mon chagrin se mêle au vôtre pour l'augmenter. Je vous embrasse cordialement, vous assurant de la tendresse infinie et de tous les sentiments avec lesquels je suis, etc.


217-a Voyez ci-dessus, p. 185 et 186.

217-b Voyez t. XIX, p. 255.