159. AU MÊME.

Charlottenbourg, 16 (juillet 1763).



Mon cher frère,

Puisque vous ne voulez pas décider des plafonds de votre salon, je tâcherai de m'en acquitter de mon mieux; nous ferons quelque repas des dieux dans la salle, et, dans le plafond de la galerie, nous y mettrons Apollon conduisant son char, accompagné des Heures, précédé par l'Aurore, avec des génies qui répandent des fleurs. Le peintre qui y doit travailler s'appelle Guglielmi;319-a c'est lui qui a fait les plafonds à Schönbrunn, et, selon le dire des connaisseurs, le plus habile qu'il y ait à présent en Italie.

Je souhaite, mon cher frère, que les eaux vous fassent tout le bien que je désire. Il est sûr qu'il ne faut point travailler durant le temps qu'on les prend, parce qu'elles montent à la tête. Il n'y a rien qui presse pour les mémoires que je vous ai prié de m'envoyer. Je serais au désespoir qu'ils altérassent, par le soin que vous y donnez, le moins du monde votre santé.

Mon frère Ferdinand me mande aujourd'hui que ma sœur a commencé les eaux, et que les médecins promettent des merveilles de cette cure. J'en suis enchanté, car je voudrais, si cela dépendait de moi, ne rien perdre pendant ma vie de ce qui nous reste de la famille.

D'Alembert est ici. Je ne saurais vous dire encore avec certitude s'il acceptera la place de président de l'Académie, ou ce <279>qui en arrivera. Le vieux baron ressuscité319-b a fait un pèlerinage ici. Nous avons entendu hier dans la chapelle le beau Te Deum de Graun;319-c il y avait beaucoup de monde. J'ai encore des comptes à revoir et à rectifier; cela dure depuis quatre grands mois. Je vous avoue que ce n'est pas un amusement pour lequel je me sente la moindre prédilection; mais il faut en passer par là pour éviter un embrouillement total dans les finances. Il faut encore pourvoir la ville de Berlin de bois pour cet hiver. Enfin j'espère de finir tout cela vers le 19 de ce mois, et après je fais bien des vœux de ne plus revoir de comptes que l'année prochaine. Portez-vous bien, amusez-vous, mon cher frère, et comptez sur la tendresse avec laquelle je suis, etc.


319-a Grégoire Guglielmi, né à Rome en 1714, mort à Saint-Pétersbourg en 1773.

319-b Le baron de Pöllnitz. Voyez t. XX, p. V et VI, et 83-119.

319-c Voyez J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, t. II, p. 346 et 347; et Karl Friedrich Christian Fasch von Karl Friedrich Zelter, Berlin, 1801, in-4, p. 49. Frédéric parle aussi de musique d'église dans notre t. XXIV, p. 224.