224. AU MÊME.

Potsdam, 16 décembre 1770.



Mon très-cher frère,

Les Autrichiens disent que les Russes se moquent d'eux, et qu'ils n'ont pas envie de faire la paix, mais bien de donner lieu à une guerre générale. Vous aurez reçu à présent, mon cher frère, mon courrier touchant les Turcs, par où tout s'éclaircira; car ils promettent de relâcher Obreskoff sitôt qu'on aura des sûretés que les Russes veulent faire la paix. Je sais que ces gens sont très-lents dans leurs résolutions; mais s'ils voulaient sincèrement la paix, comptez, mon cher frère, qu'ils s'empresseraient davantage pour en poser les fondements. La fortune les éblouit, et s'il ne tenait qu'à eux, l'Europe serait bientôt en feu. Je comprends qu'il faut, dans le pays où vous êtes, bien des complaisances et bien du manége. Voilà encore ce voyage de Moscou qui retardera la négociation. On verra venir le printemps, et l'on dira qu'on ne peut se dispenser de continuer la guerre. Je crains bien que cela en viendra là, et qu'on me traira comme une vache à <343>lait, pour des subsides qui sont de l'argent jeté dans la rivière. Je souhaite, mon cher frère, que je devine mal, mais je crains que ces gens-là n'aient leur système tout arrangé, et qu'ils tâcheront de vous tenir le bec à l'eau le plus longtemps qu'ils le pourront. D'ailleurs, je fais mille vœux pour que cet affreux climat ne porte aucun préjudice à votre santé. Je suis, etc.