<180>mène à un sujet plus intéressant. C'est vous, adorable Biche, qui m'avez porté à faire toutes ces réflexions; l'amour que je ressens pour vous en est le principe. Oui, trop aimable chienne, je vous aime et vous adore. Votre esprit, vos grâces, mille qualités qui brillent en vous, m'ont subjugué. Hélas! je ne puis penser sans fondre en larmes aux charmants petits coups de patte que vous me donnâtes lorsque je pris ce fatal congé de vous. Bien plus sincère que les conquêtes de la gent soi-disant raisonnable, vous me marquiez vos véritables sentiments, et vous me disiez : Je vous aime, mon cher Folichon. Aussi, depuis notre séparation, je n'ai fait que languir. Maigre et décharné, j'ai passé mon temps mélancoliquement aux pieds de ma maîtresse. Je l'entendais déplorer la cruauté de son absence d'avec un frère chéri, et sans cesse parler de l'heureux temps qu'elle avait passé avec lui à Berlin, sans pouvoir me mêler de ses conversations. Inquiète de ma tristesse, et pour rappeler ma bonne humeur, elle me fit un sérail des plus belles chiennes de ces cantons, mais en vain; je les dédaignais toutes. Enfin, elle voulut dissiper ma tristesse par l'appât des richesses. Croiriez-vous bien, adorable Biche, que l'intérêt, auquel nous sommes si peu susceptibles, a effectué sur moi ce que les caresses et les plaisirs les plus séduisants n'avaient pu faire? En jetant les yeux sur ces riches présents de ma maîtresse, j'ai d'abord résolu de vous en faire une offrande. Au moins, ai-je dit, la belle Biche se souviendra de moi toutes les fois qu'elle se couchera sur ce sopha; elle boira à ma santé dans cette jatte, et peut-être donnera-t-elle quelques larmes à mon absence. Aussitôt, sautant et gambadant, j'ai prié ma bonne maîtresse, qui entend parfaitement mon langage, de satisfaire mes vœux. Je lui ai dicté cette lettre. L'amitié qu'elle a pour moi l'a engagée à se donner cette peine. Recevez donc, trop aimée Biche, ce petit présent, qui seul a pu me réjouir par rapport à vous; étant couchée sur ce sopha, pensez quelquefois à votre tendre Folichon, qui ne cessera de vous aimer, de vous chérir et de remuer cent fois par jour la queue à votre honneur et gloire.



Folichon.