<182>reçut une lettre, et je le vis dans des angoisses mortelles; toutes mes petites caresses, toutes mes gentillesses ne furent pas de saison; je me suis épuisée à l'égayer, mais il était mort pour le monde, et je me crus disgraciée. Enfin, cher Folichon, des jours plus heureux ont suivi ces jours funèbres; la gaîté a dissipé les alarmes, et à présent nous passons des jours fort tranquilles. Votre galanterie me retire de la léthargie dans laquelle j'étais ensevelie; je m'aperçois que j'ai un cœur pour aimer. Dieu! que deviendrions-nous sans passions? Notre vie ne serait qu'une mort perpétuelle; nous n'aurions végété dans ce monde que comme les plantes, qui vivent sans plaisir et meurent sans douleur. A présent que j'aime, j'aperçois un univers nouveau; l'air que je respire est plus doux, le soleil me paraît plus brillant, et toute la nature plus animée. Mais, charmant Folichon, ne goûterons-nous de plaisirs qu'en espérance, et n'ajouterons-nous pas la réalité à ce qui fait le désir de nos cœurs et le comble de nos vœux? Serons-nous aussi fous que les hommes? Ils se nourrissent de désirs, ils se repaissent de chimères, et pendant qu'ils perdent leur temps en frivoles projets, la mort en tapinois les saisit et les enlève avec tous leurs desseins. Soyons plus sages; ne courons point après l'ombre, mais saisissons l'objet. Je vous offre ces parures en gage de ma parole et pour vous assurer que je serai sans cesse

Votre fidèle
Biche.

209. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

Le 7 juin 1748.



Mon très-cher frère,

L'aimable Biche vient d'écrire à Folichon. Que n'ai-je pas ressenti à la lecture de cette lettre! Cet aimable animal l'assure que vous pensez souvent à moi, que mon absence vous fait de la peine, et enfin, que vous me conservez toujours cette précieuse amitié qui, de tout temps, a fait le bonheur de ma vie. Elle