<282>frir. Quant à la poésie, comme la plupart de mes confrères en Apollon se conduisent comme des fous, je tâche de me tenir à l'écart, et j'évite la confrérie, pas assurément à cause que je me crois plus sage qu'eux, mais à cause qu'il ne convient point à un personnage magistral de passer pour fou. C'est par cette raison que je ne confie mes rêveries à personne,b et que je les cache surtout à mon barbier, crainte d'avoir le sort du roi Midas.a Mon Dieu, vous vous ressouvenez du Palladion, et vous vous plaignez de votre mémoire! En vérité, ma chère sœur, il n'y a que vous qui puissiez retenir tout; car des sottises pareilles au Palladion ne peuvent entrer que dans un grand tout; cependant, si cela peut vous amuser, j'essayerai, cet hiver, de corriger cet ouvrage informe et rempli de fautes, pour le rendre moins indigne de votre attention. J'ai ici les prémices du carnaval, consistant dans l'évêque de Breslaub et quelques personnages de la même gravité, qui n'attendent que son ouverture. C'est le prologue de la pièce. Des discussions politiques m'attendent à Berlin vers la fin du mois, qui m'emportent encore assez de temps; c'est autant de perdu pour l'agrément, mais c'est un devoir qui doit passer devant tout. Je vous embrasse de tout mon cœur, vous priant de me croire avec la plus parfaite tendresse, ma très-chère sœur, etc.

310. A LA MÊME.

Le 18 décembre 1755.



Ma très-chère sœur,

Vous recevez mes lettres avec trop d'indulgence. Je crains fort, et avec raison, que mon bavardage ne vous ennuie. Que puis-je vous écrire, ma chère sœur, d'un endroit solitaire où je vis plus


b Voyez t. X, p. 11, et t. XVIII, p. 101, no 86.

a Voyez t. XXV, p. 552.

b Le comte de Schaffgotsch. Voyez t. XIX, p. 430, et t. XXV, p. 597 et 598.