<308>la liberté de vous envoyer ma réponse.a Quant au stoïcisme, je crois en avoir plus que lui, et quant à la façon de penser, il pense en poëte, et moi comme cela me convient dans le poste où le hasard de la naissance m'a placé. Je crois que je traînerai encore, entre ici et Naumbourg, les restes languissants de ma campagne jusque vers la fin du mois, après quoi force me sera de tirer du côté de Leipzig. Adieu, ma chère, mon adorable sœur; ménagez, je vous conjure, une santé dont dépend ma vie, et ne soyez pas plus cruelle que mes implacables ennemis, en me privant de tout ce que j'ai de plus cher au monde. Je suis avec la plus vive tendresse, ma très-chère sœur, etc.

330. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

Le 15 octobre 1757.



Mon très-cher frère,

La mort et mille tourments ne sauraient égaler l'affreux état où je suis. Il court des bruits qui me font frémir. On dit que vous êtes dangereusement blessé; d'autres, malade. En vain je me suis tourmentée pour avoir de vos nouvelles; je ne puis en apprendre. O mon cher frère! quoi qu'il puisse vous arriver, je ne vous survivrai pas. Si je reste encore dans la cruelle incertitude où je suis, j'y succomberai, et je serai heureuse. J'ai été sur le point de vous envoyer un courrier, mais je n'ai osé le faire. Au nom de Dieu, faites-moi écrire un mot. Je ne sais ce que j'ai écrit; j'ai le cœur déchiré, et je sens qu'à force d'inquiétude et d'alarmes mon esprit s'égare. O mon cher, adorable frère! ayez compassion de moi. Veuille le ciel que je me trompe, et que vous me fassiez gronder; mais la moindre chose qui vous regarde me pénètre le cœur, et alarme trop vivement ma tendresse. Que je pé-


a Voyez, t. XXIII, p. 12-15, la lettre de Voltaire, no 337, et, p. 15 et 16, l'Épître de Frédéric au poëte français, datée de Buttelstedt, 9 octobre. Voyez aussi t. XIV, p. x, art. XXVII, et p. 133 et 134.