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11. DE LA MÊME.

(Brunswic) 30 juillet (1769).



Mon très-cher frère,

C'est toujours par de nouveaux bienfaits que vous répandez sur moi les marques de vos grâces et précieux souvenir. Ils me rendent muette par les vives impressions que le prix de vos bontés fait sur mon âme; j'en suis toute pénétrée, les facultés me manquent et ne sont pas suffisantes pour vous prouver toute ma reconnaissance, encore moins d'être en état de tracer par la plume les remercîments très-humbles que je vous dois, quoique imparfaits, pour le beau satin dont vous m'avez fait la galanterie. Il mérite de toute façon mon admiration, comme venant de vos mains, et étant fait sous vos auspices, à Potsdam, me le rend plus cher et agréable. La couleur en est charmante; le gris de lin m'est préférable, étant significatif par l'amour sans fin que l'on attribue à cette couleur, et qui me la fera porter avec d'autant plus de satisfaction, en me rappelant l'amitié que mon adorable frère m'a témoignée jusqu'ici. L'étoffe en est si bonne, qu'on ne la distinguera point d'avec celles d'Angleterre ou de France; j'ai eu le plaisir de tromper ceux à qui je l'ai fait voir, qui l'ont prise pour une étoffe étrangère. Je suis charmée que votre industrie ait si bien réussi par les progrès de vos fabriques, qui ne démentent point l'œil du maître. Ce sera mon habit de fête pour cet hiver; je me trouverai plus parée qu'une sainte de Lorette, étant vêtue par mon saint, que j'honore et vénère seul. Je suis dans une grande joie de ce que le cher margrave d'Ansbach a été en état de vous apprendre des nouvelles plus consolantes de sa digne mère, et de ce qu'elle se porte mieux; comme il est le plus à portée d'en savoir la vérité, j'espère que c'est avec succès qu'on peut se confier sur ce qu'il dit. Voudrait le ciel qu'elle fût rétablie au point de pouvoir venir vous faire sa cour! J'espérerais d'en profiter par bricole, et ce serait une grande satisfaction pour moi si je revoyais une sœur dont j'avais perdu l'espérance dans cette vie. J'ai reçu une lettre de la margrave de Culmbach, qui est tout enthousiasmée de la façon gracieuse dont