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9. A LA MÊME.

Freyberg, 26 février 1760.



Ma chère sœur,

Vous saurez aisément vous figurer avec quel chagrin j'ai appris par votre lettre du 23 de ce mois la fâcheuse aventure qui est arrivée à Schwedt,a et dont je suis d'autant plus en peine, que je crains que la rude altération dont vous vous êtes ressentie n'influe sur votre santé, de laquelle cependant je vous prie avec instances d'avoir soin, pour prévenir toutes suites fâcheuses. J'ai encore bien de la compassion avec le digne prince de Würtemberg de ce qu'il s'est vu entraîné avec sa digne épouse dans ce désastre. Mais, chère sœur, n'ai-je pas lieu d'être extrêmement étonné que, pendant le temps où il n'y a absolument pas moyen d'empêcher partout des incursions des bandes d'une vermine qui voltige par-ci par-là dans des pays ouverts et où ils ne trouvent aucune résistance, vous avec le Margrave ayez pu rester à un lieu tout ouvert, tel que Schwedt, sans garnison ni aucune précaution, en vous fiant ainsi, vous et votre chère famille, à la discrétion de gens reconnus, pour la grande part, pour brigands et les plus brutaux entre les barbares? J'avoue que je n'ai su jamais assez démêler cette sécurité du Margrave, sans cependant avoir soupçonné que les choses seraient allées si loin. Après donc la fâcheuse expérience que vous avez faite, il ne vous conviendra plus de rester encore à Schwedt, mais d'aller demeurer plutôt à Stettin, où vous serez au voisinage de Schwedt, et n'exposerez pas votre caractère ni votre personne et votre famille à de pareilles mauvaises aventures, et à des affronts et outrages pires peut-être que ceux qui vous sont arrivés. Profitez, je vous prie instamment, de cet avis d'un frère qui prend trop de part à tout ce qui vous regarde, et qui restera toujours avec des sentiments d'estime et de tendresse, ma chère sœur, etc.


a Voyez t. V, p. 48.