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46. A LA MÊME.

Ruppin, 2 mars 1737.



Ma très-chère sœur,

Voici donc enfin ce concerto promis et un solo non promis que je prends la liberté de vous envoyer, vous priant de donner le dernier au Margrave, pour qui je l'ai composé. Je souhaite fort qu'ils soient de votre goût, et vous prie de m'en écrire votre sentiment.

Quant à la revue, je n'ai qu'un conseil à vous donner, qui est, ou que le Margrave prenne son congé à présent, ou qu'il vienne ici vers la revue; je ne crois pas, ma très-chère sœur, qu'il y ait d'autre parti à prendre. Quoique je désirasse beaucoup de vous voir, je crois cependant que vous feriez mieux de ne pas venir, à moins qu'on ne vous invite, car vous savez que le Roi n'est pas toujours d'humeur de voir les gens.

Si vous avez là-bas un ministre qui prêche contre la mascarade,a nous en avons un qui nous prête son habit, sa perruque, manteau et chapeau pour nous masquer. Quel contraste! Il n'y a qu'à mettre ces gens sur un certain pied pour qu'ils y soient. Vous êtes très-mal instruite, ma très-chère sœur, de ce qui se passe ici. Qui peut vous avoir écrit que la Reine est bigote? Je vous prie, pour l'amour de Dieu, ne croyez donc pas ce que l'on vous écrit; il faut que ce soient de méchantes gens qui veulent vous donner mauvaise opinion de nous autres, et qui veulent donner lieu à vous refroidir envers ceux qui vous aiment le plus. Je vous supplie, n'ajoutez plus foi à ce que ces malheureux vous mandent, et donnez commission à d'honnêtes gens de vous écrire ce qu'il y a de nouveau ici.

Je regrette fort le voyage que vous faites à Erlangen, puisqu'il me privera du plaisir de recevoir de vos nouvelles. La satisfaction que vous aurez d'être à Erlangen m'en console. Continuez-moi toujours votre précieuse amitié, et croyez-moi avec un attachement et une estime inviolable, ma très-chère sœur, etc.


a Mémoires de la Margrave, t. II, p. 158, 292 et 293.