<59>ne sais quelle espérance vague et peut-être chimérique de vous revoir. Je voudrais que la flûte de Quantz, qui parle infiniment mieux que lui, puisse vous dire par ses sons les plus sonores, les plus touchants, par les adagios les plus pathétiques, tout ce que mon cœur pense et me suggère sur votre sujet. Si vous vous sentez toucher par ces sons vainqueurs de nos sens, songez un peu à toute l'étendue de la tendresse et à tout ce que je vous dirais sur ce sujet, si j'étais assez heureux que de vous entretenir. Le feu de ces allégros est le vif emblème de la joie que me causera le moment où je pourrai vous posséder. Mais sans pousser l'allégorie plus loin, j'espère que vous serez convaincue de tous les sentiments avec lesquels je suis inviolablement, ma très-chère sœur, etc.

Oserais-je vous prier de faire mes compliments au Margrave et à tous ceux d'entre votre train qui tiennent à la vieille roche?

59. A LA MÊME.

Remusberg, 26 novembre 1738.



Ma très-chère sœur,

Vous prenez une part trop obligeante à ce qui me regarde, pour que je n'en sois pas sensiblement touché; ma santé ne vaut pas assurément, ma très-chère sœur, les soins que vous avez pour sa conservation. J'ai été obligé de me faire saigner par une réplétion de sang assez violente, et qui m'aurait pu être fatale. J'avais lieu d'appréhender quelques suffocations; mais ce qui m'incommodait le plus, c'étaient des insomnies et des battements de cœur insupportables. La saignée m'a fait assez de bien, mais, plus qu'elle, le régime d'eaux auquel je me suis mis. Voilà, ma très-chère sœur, pour ma santé, puisque vous m'en demandez compte; je vous prie de ne vous en plus embarrasser, mais d'avoir plus de soin de la vôtre, qui m'est beaucoup plus précieuse.