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67. A LA MÊME.

Remusberg, 13 septembre 1739.



Ma très-chère sœur,

J'ai reçu avec bien du plaisir la lettre que vous m'écrivez d'Erlangen. Nous avons appris ici la maladie du Margrave, et j'ai craint autant pour vous, ma très-chère sœur, que pour lui. Je suis cependant bien aise que mes appréhensions n'aient point été fondées, et que j'aurai encore le plaisir de pouvoir recevoir quelques-unes de vos lettres avant votre départ.

Vous avez fait une chose qui aurait failli de vous donner du chagrin, si je n'avais paré le coup le mieux qu'il m'a été possible; c'est, ma très-chère sœur, d'avoir donné permission à votre Meermann de venir à Berlin.a Cet ingrat n'en a point agi envers vous comme il devait, et il a tenu des discours qui m'ont bien impatienté. Le Roi commençait à prendre feu; mais j'ai tout raccommodé en disant à la Reine, qui l'a redit au Roi, que Meermann était en disgrâce chez le Margrave et chez vous, à cause de ses airs de suffisance et de ce qu'il n'avait pas mené avec assez d'exactitude ses comptes. Cela a tout redressé, car le Roi attribue à présent au désir de la vengeance ce qui était l'effet de la méchanceté de cet indigne domestique. Je vous prie de ne me point donner un démenti; j'ai fait ce que j'ai cru être convenable à vos intérêts, et je n'avais que ce seul moyen de vous éviter du chagrin.

Voyagez en paix, ma très-chère sœur; il n'en sera ni plus ni moins ici, pourvu que cela n'altère point votre santé si faible et si délicate. Deux ou trois grands hommes envoyés à propos seront des arguments vainqueurs, et qui vous feront recevoir à bras ouverts; mais ne les envoyez, s'il vous plaît, qu'à propos. Je vous écrirai aussi souvent que je le pourrai, tantôt sérieux, tantôt badinage, quelquefois des nouvelles d'ici, et quelquefois pour en apprendre des vôtres.


a Voyez les Mémoires de la Margrave, t. II, p. 284, 289 et 290.