183. A LA MÊME.

(Potsdam) ce 24 (février 1747).



Ma très-chère sœur,

Vous prenez une part trop obligeante à ce qui me regarde. Je suis bien aise que vous vous intéressiez à ma personne, mais je serais au désespoir si ce souci pouvait altérer votre santé. La mienne va beaucoup mieux, et je ne ressens plus rien de l'accident qui m'est arrivé il y a quatre semaines;1_174-b mais mon corps est attaqué par tant d'ennemis, que je suis toujours obligé de faire quelque sortie sur eux; tantôt c'est la goutte, tantôt les hémorroïdes, et tantôt la gravelle. Vous sentez bien que, entre tant de maux, on n'est guère dans une situation tranquille. Mais c'est vous ennuyer par des détails d'infirmités que je me dois cacher à moi-même pour les oublier. La Reine notre chère mère a été malade d'un rhume de fluxion; mais heureusement ce mal est presque passé. Vous avez beaucoup gagné, ma chère sœur, <155>en différant les noces de ma nièce; il n'y a que du bien à ce délai, et cela donnera le temps à son très-cher époux de tirer sa poudre aux moineaux et de perdre son premier feu.1_175-a Je connais ce Tornaco dont vous me parlez pour le premier fou de l'Europe; c'est le plus grand bavard de toute l'armée autrichienne. Puisse le ciel vous en délivrer! J'ai ici Algarotti, qui enfin fixe son état, et s'engage à mon service. L'acquisition est bonne, et me procure toutes sortes d'agréments pour mon particulier. J'ai honte de vous ennuyer plus longtemps. Je vous prie, ma chère sœur, de me continuer votre précieuse amitié, et d'être persuadée de la tendresse avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.


1_174-b Voyez t. I, p. XLI; t. XXII, p. 186; t. XXIII, p. 403; et t. XXVI, p. 110.

1_175-a Voyez t. IX, p. 7.