272. A LA MÊME.

Ce 16 (avril 1754).



Ma très-chère sœur,

Je prends la liberté de mettre à vos pieds un Mexicain1_273-c qui n'est pas encore tout à fait décrassé. Je lui ai appris à parler français; il faut à présent qu'il apprenne l'italien. Mais, avant que de lui <242>donner cette peine, je vous supplie de me dire naturellement votre sentiment, et si vous croyez qu'il mérite qu'on se donne ce soin. La plupart des airs sont faits pour ne point être répétés; il n'y a que deux airs de l'Empereur et deux d'Eupaforice qui sont destinés pour l'être. Je ne sais comment vous trouverez le tout ensemble, l'enchaînement des scènes, le dialogue, et l'intérêt que j'aurais voulu y faire régner; mais comme rien ne presse, je pourrai changer facilement ce que vous y trouverez à redire. Il serait même facile de juger de l'effet que le spectacle peut produire. Vous avez une admirable troupe française; il n'y aurait qu'à le lui faire représenter dans votre chambre, quand même chacun ne ferait que lire son rôle.

Je fais mille vœux pour que votre santé continue d'être bonne. Si le pays de Naples ressemble à la description qu'on vous en a faite, je sais bien que je n'irai pas là pour chercher mon bonheur, et je crois que votre voyageur doit se trouver bien heureux d'être à vos pieds. J'espère de jouir de cette même satisfaction cette année, et de vous assurer de vive voix que rien n'égale les sentiments de tendresse et de haute estime avec lesquels je serai jusqu'au dernier soupir de ma vie, ma très-chère sœur, etc.


1_273-c L'opéra de Montézuma. Voyez t. XVIII, p. 102 et suivantes.