<281>en conséquence j'y pourrais être engagé, et je résolus de faire tout ce qui dépendrait de moi pour n'y point être mêlé. Dès l'automne de l'année 1755, les Français, craignant qu'ils ne pourraient pas gagner la supériorité sur mer sur les Anglais, méditèrent d'attaquer le roi d'Angleterre dans ses possessions d'Allemagne, espérant de terminer dans le pays de Hanovre les différends qu'ils avaient en Amérique avec les Anglais. Ils jetèrent d'abord les yeux sur moi, supposant qu'il me suffisait d'une occasion pour me battre. Notre traité défensif avait exclu en termes précis tous les démêlés qu'ils pouvaient avoir dans un autre monde de nos garanties. M. Rouillé passa légèrement sur cette difficulté, et dit en termes formels à Knyphausen, mon envoyé, « qu'il y avait un bon trésor à Hanovre, et qu'on me l'abandonnerait. » Je lui fis simplement répondre que c'était une proposition à faire à Mandrin,b et non pas à un roi de Prusse. Sur cela, le roi d'Angleterre rechercha mon amitié, et me fit faire des propositions par le duc de Brunswic, qui tendaient à assurer le repos de l'Allemagne par un traité de neutralité. Je ne voulus m'engager à rien avant que d'être sûr si la Russie suivrait plutôt les impulsions de la cour de Vienne, ou celles des Anglais. J'en écrivis à Klinggräff, à Vienne, qui m'assura que la cour de Vienne n'avait point d'argent, que les Anglais tenaient les cordons de la bourse, et que les Russes, comme les Suisses, n'étaient que pour ceux qui les payaient. La cour de Londres m'assura en termes formels qu'elle pouvait répondre de la Russie, et que je n'avais rien à appréhender de ce côté-là. D'autres nouvelles particulières confirmaient la disette d'argent où l'on se trouvait à Pétersbourg, de sorte que toutes les probabilités me portaient à croire que la Russie suivrait aveuglément le parti des Anglais, du moins qu'elle ne se déclarerait point contre les alliés du roi de la Grande-Bretagne. Mon alliance avec la France finissait au mois de mai de l'année 1756.a Il fallait prendre un parti. Les Français me pressaient d'agir. Si j'avais déféré à leurs désirs, je me serais vu engagé dans une guerre contre la maison d'Autriche, la Russie, l'Angleterre, et la plupart des princes d'Allemagne; si


b Voyez t. IV, p. 34, et t. XXVII. I. p. 294.

a Voyez t. IV, p. 35.