<292>et des pleurs; j'espère cependant qu'elle prendra le parti de me suivre, n'ayant que ce seul parti de raisonnable pour elle. Je sens bien que le premier moment lui doit être douloureux de penser de quitter sa famille et Paris, qui a bien des attraits pour les femmes; elles ne connaissent pas les pays étrangers, et elles s'imaginent que hors d'ici point de salut. Ce n'est pas pour flatter V M., je crois qu'il n'y a point de cour qui soit plus polie et plus aimable que la vôtre, Sire; j'en ai la plus grande idée du monde. Je donne une preuve bien essentielle de l'attachement et du respect que j'ai pour vous, Sire, en abandonnant un pays où je suis élevé et où j'ai bien des amis et parents, sans compter les agréments de la vie dont je jouis. Toutes ces raisons ne peuvent pas contre-balancer un moment l'envie que j'ai de me rendre auprès de V. M. Je la supplie très-humblement de me mander quand elle ordonne que je parte d'ici.a Mes affaires ne seront point aussi longues à finir que j'ai pensé, étant obligé de laisser la plus grande partie de mon bien in statu quo, par rapport au douaire de ma femme, qui est hypothéqué dessus.

Je supplie V. M. d'avoir la bonté de m'envoyer un passe-port pour l'entrée de mes meubles à Berlin; M. le cardinal a eu la bonté de m'en accorder un pour la sortie de ce royaume-ci.

Il n'est question ici, Sire, que de vous et de votre armement;b cela donne belle matière aux politiques de raisonner.

M. le cardinal m'a assuré hier que M. Suhm est mort à Varsovie.c Je suis persuadé que sa perte fera de la peine à V. M., connaissant les bontés qu'elle a eues pour lui.

J'envoie à V. M. deux bouteilles de garus; je la supplie très-humblement de ne pas négliger de s'en servir. C'est le plus souverain remède qu'il y ait dans le monde pour l'estomac et pour faire de bonnes digestions; on en fait à Paris le plus grand cas


a Le 28 février 1741, les Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrten Sachen annoncèrent que le colonel comte de Rottembourg, venant de Paris, était arrivé à Berlin. Le Roi était parti pour la Silésie le 19 du même mois. Le comte de Rottembourg le suivit, et, à la bataille de Mollwitz, il commandait l'avant-garde. Il devint général-major le 31 octobre 1741.

b Voyez t. II, p. 60 et suivantes.

c Voyez t. XVI, p. xv, art. XVI.