<310>solitude; Bayle et Spinoza ont vécu et sont morts ainsi, et je ne vaux pas mieux que ces deux philosophes.

Voilà, Sire, les liens qui m'attachent, je ne puis plus dire à ma patrie, car la France refuse de l'être, mais au sol que j'habite et à l'air que je respire. V. M. a trop d'humanité et de justice pour ne les pas approuver, et même pour ne pas me trouver à plaindre. Je ne doute point que les hommes qui me persécutent à l'insu du Roi mon souverain, pour lequel V. M. connaît mon respect et mon attachement, n'abusent de ma situation et des motifs qui me font rester en France, pour me refuser la justice qu'ils me doivent; mais l'estime de V. M., et les marques qu'elle veut bien m'en donner, me dédommageront de leurs mauvais traitements; cette estime est le seul bien qui me reste, et celui que je désire le plus de conserver.

On m'assure que V. M. est contente du petit ouvrage sur la Destruction des jésuites; si elle avait quelques critiques à me faire,a j'en profiterais pour une seconde édition.

Je suis avec le plus profond respect, et avec une reconnaissance et un attachement plus vif que jamais, Sire, etc.

4. DU MÊME.

Paris, 31 décembre 1765.



Sire,

La lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire,b quoique pleine de bonté et d'intérêt, m'a mis dans une situation affligeante : elle m'a fait craindre d'avoir perdu, au moins à quelques égards, l'estime de V. M., le bien le plus précieux à mon cœur, et le seul qui mette quelque consolation dans ma vie. V. M. sait que depuis plus de deux ans ma santé a souffert des dérangements considérables; ils ont abouti à une maladie qui


a Voyez t. XXIV, p. 439 et 440.

b Lettre du 23 novembre, t. XXIV, p. 443 et 444.