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ARTICLE III. DES SUBSISTANCES ET DU COMMISSARIAT.

« Quand on veut bâtir une armée, dit un grand général, il faut commencer par le ventre; c'en est le fondement. »a

Je divise cette matière en deux parties, dont l'une regarde les lieux et la manière d'assembler des magasins, et l'autre les moyens pour rendre ces magasins mobiles. La première règle est de faire vos amas principaux sur vos derrières, et toujours dans une ville fortifiée. Nous avons eu, dans nos guerres de Silésie et de Bohême, notre grand magasin à Breslau, ce qui était pour la commodité de l'Oder, qui le rafraîchissait sans cesse. Quand on fait son principal magasin devant l'armée, on court risque de le perdre au premier échec, et l'on est sans ressource; au lieu que, les mettant par échelons, on ne fait pas la guerre en désespéré, et une petite disgrâce n'entraînera pas votre perte totale. Les magasins de l'Électorat doivent être à Spandow et Magdebourg; celui de Magdebourg devient, à cause de l'Elbe, offensif vers la Saxe, comme celui de Schweidnitz est offensif vers la Bohême.

Il faut avoir une grande attention au choix des commis du commissariat. Si ce sont des fripons, l'État y fait des pertes trop considérables. C'est pourquoi il faut leur donner de fidèles surveillants. On assemble les magasins de deux façons : ou l'on fait livrer les grains par les paysans et les gentilshommes, et on le leur rabat de la contribution, selon la taxe de la chambre; ou, si le pays n'en a pas en assez grande abondance, on fait des contrats avec des livranciers. Le commissaire des guerres doit signer et faire ses contrats lui-même, et nous avons des bateaux faits exprès pour transporter, par le moyen des canaux et des rivières, les farines et l'avoine. Il ne faut avoir recours aux entrepreneurs


a Voici comment Frédéric s'exprime dans l'Histoire de mon temps (t. III, p. 85) : « On sait que qui veut bâtir l'édifice d'une armée, doit prendre le ventre pour fondement. » Dans le Palladion (t. XI, p. 196), il dit, d'après Homère : « Le pain fait le soldat. » Voyez aussi t. VII, p. 18 et 89; t. X, p. 301; et ci-dessus, p. 10.