<93>

ARTICLE XXXI. DES CAMPAGNES D'HIVER.

Les campagnes d'hiver ruinent les troupes par les maladies qu'elles causent, et parce que l'action continuelle dans laquelle elles sont empêche de les recruter, de les habiller de neuf, et de rétablir tout l'attirail, tant des munitions de guerre que de bouche. Il est sûr que la meilleure armée du monde n'y résistera pas longtemps, et que par cette raison il faut éviter les guerres d'hiver, comme étant de toutes les expéditions de guerre les plus pernicieuses.

Il y a cependant des circonstances qui peuvent obliger le général à recourir à cet expédient. J'ai, je crois, fait plus de campagnes d'hiver qu'aucun général de ce siècle. Il n'est pas hors de propos d'exposer à cette occasion les motifs qui m'y ont porté. L'année 40, à la mort de l'empereur Charles VI, il n'y avait que deux régiments impériaux dans toute la Silésie. J'avais résolu de faire valoir mes droits sur ce duché, et j'étais par conséquent obligé d'agir en hiver pour profiter de tout ce qui pouvait m'être avantageux, de m'emparer de toute la province, et d'établir le théâtre de la guerre auprès de la rivière de la Neisse, au lieu que, en attendant le printemps, nous aurions eu la guerre entre Crossen et Glogau, et j'aurais peut-être obtenu après trois ou quatre campagnes obstinées ce que je gagnais tout d'un coup alors par une marche toute simple.a Cette raison était valable, à ce que je crois.

L'année 42, je fis une campagne d'hiver en Moravie, pour dégager par celle diversion la Bavière; et si je ne réussis pas, c'est que les Français étaient des lâches, et les Saxons des traîtres.b

L'hiver de 44 à 45 se fit la troisième campagne d'hiver. Les Autrichiens entrèrent en Silésie, et je fus obligé de les en faire chasser.c


a Voyez t. II, p. 56 et suivantes.

b L. c., p. 116 et suivantes.

c Voyez t. III, p. 87 et suivantes.