<37>pas une vertu ordinaire des souverains, mais aux conjonctures du temps, c'est-à-dire, à la guerre déjà allumée, à une haine violente, au désir plus ardent de reprendre la Silésie, province bien autrement importante que les duchés de Parme et de Plaisance. Ainsi l'Impératrice-Reine et le roi de Sardaigne, qui perdait de même quelques avantages, dissimulèrent leur mécontentement; la France négocia le mariage de l'archiduc Joseph avec la fille du duc de Parme; on convint de laisser les affaires d'Italie en suspens jusqu'après la paix d'Allemagne, et la France, comme médiatrice, promit de contenter alors tout le monde sur ses prétentions.

Le Roi était attentif aux révolutions de l'Italie; rien ne pouvait lui devenir plus avantageux qu'une diversion en Lombardie, soit contre le roi de France, ou contre la reine de Hongrie. Pour savoir à quoi il pouvait s'attendre, il envoya M. de Cocceji,a son aide de camp, à la cour de Turin, pour tâter le pouls au roi de Sardaigne. Ce prince âgé, qui donnait dans la superstition, avait perdu cet instinct belliqueux par lequel il avait brillé dans sa jeunesse; il n'avait lui-même ni le désir ni la volonté de rentrer en action. Cependant il était encore plus retenu par la position où il se trouvait, que par l'âge et par la dévotion. Il y avait plus de jalousie entre les Savoyards et les Napolitains qu'entre les Romains et les Carthaginois. Le roi de Sardaigne se trouvait donc par conséquent sans alliés, surtout depuis l'union qui subsistait entre la France et l'Autriche, et en faisant la guerre il aurait eu contre lui Autrichiens, Français, Espagnols, Napolitains et Parmesans; c'est ce qu'il craignait. La disharmonie de ces princes et le peu d'apparence de les unir firent perdre toutes les espérances dont on aurait voulu se flatter de ce côté-là. Cette tentative perdue n'empêcha pas qu'on n'en fît bien d'autres.

La guerre devenait de jour en jour plus difficile à soutenir, et les hasards devenaient plus grands. Quelle que fût la fortune des Prussiens, il était impossible qu'étant obligés de s'y abandonner si souvent, elle ne les trahît quelquefois. On ne pouvait


a Le capitaine baron Jean-Frédéric-Henri de Cocceji partit de Breslau pour l'Italie le 17 mars 1709; le 17 juin, il revint trouver le Roi à Reich-Hennersdorf, près de Landeshut.