<11>Si, d'un autre côté, nous tournons nos regards vers la Prusse, nous la trouvons comme isolée et sans alliance aucune : en voici la raison. Lorsque le sieur Pitt quitta le ministère, sa place fut donnée à l'Écossais Bute; ce ministre anglais rompit toutes les liaisons qui subsistaient entre nos deux cours; l'Angleterre, comme nous l'avons rapporté, ayant fait sa paix avec la France, lui avait sacrifié sans pudeur les intérêts de la Prusse, et, par une perfidie encore plus inouïe, elle avait offert la conquête de la Silésie à la maison d'Autriche, pour renouveler, à la faveur de ce service, les anciennes liaisons de la cour impériale avec celle d'Angleterre; et comme si ce n'en était pas assez de tous ces procédés infâmes, le sieur Bute avait mis tout en œuvre à Pétersbourg pour brouiller le Roi avec l'empereur Pierre III; en quoi cependant il ne put réussir. Tant de mauvaise foi, jointe à des trahisons aussi ouvertes, avait rompu tous les liens formés entre la Prusse et l'Angleterre; à cette alliance, que l'intérêt réciproque avait formée, succéda l'inimitié la plus vive et la haine la plus violente, de sorte que le Roi demeura seul comme un champion sur un champ de bataille, sans à la vérité que personne l'attaquât, mais aussi sans que personne se présentât pour le défendre. Cette situation, soutenable tant qu'elle était passagère, ne devait pas durer à la longue; aussi changea-t-elle bientôt.

Vers la fin de 1763, l'on commença à négocier en Russie pour conclure avec cette puissance une alliance défensive; il n'y avait alors à Pétersbourg que le comte Panin qui fût porté pour la Prusse; l'ancien ennemi du Roi, le chancelier Bestusheff, ce promoteur de toutes les brouilleries qu'il y avait eu entre les deux cours, s'opposait sourdement, et il était soutenu auprès de l'Impératrice par le comte Orloff, qui était alors le favori déclaré de cette princesse. Les cours de Vienne et de Dresde intriguèrent sous main, autant qu'elles purent, pour traverser la négociation du comte de Solms. Les Autrichiens représentaient à l'impératrice de Russie que leur puissance était la seule dont l'alliance pût être avantageuse aux Russes, parce que la cour de Vienne était l'unique qui pût les assister contre les Turcs, leur commun ennemi. Les Saxons avaient d'autres raisons pour faire manquer les négociations du comte Solms : ils sollicitaient l'appui et la