<94>il fut plus difficile encore de former les jeunes officiers, et de leur donner l'intelligence nécessaire pour leur métier. Afin de leur donner la routine de ces manœuvres, on les exerça, dans le voisinage de leurs garnisons, aux différents déploiements, aux attaques de plaine, aux attaques des postes fortifiés, ainsi qu'à celles des villages, aux manœuvres d'une avant-garde, à celles d'une retraite, comme aux carrés, pour savoir comment ils devaient attaquer, et comment ils devaient se défendre. Cela se pratiquait pendant tout l'été, et chaque jour ils répétaient une partie de leur leçon. Pour rendre ces pratiques générales, les troupes s'assemblaient deux fois, l'une au printemps et l'autre en automne; il ne se faisait alors que de grandes manœuvres de guerre, des défenses ou des attaques de postes, des fourrages, des marches dans tous les genres, et des simulacres de bataille, où les troupes, en agissant, désignaient les dispositions qui en avaient été faites. Ainsi, comme le dit Végèce,a la paix devint pour les armées prussiennes une école, et la guerre, une pratique. Il ne faut pas croire que, d'abord après la paix, les premières manœuvres fussent des plus brillantes : il faut du temps pour que la tactique mise en pratique devienne une chose habituelle, que les troupes exécutent sans difficulté. La précision qu'on désirait d'établir, ne commença à devenir sensible que depuis l'année 1770. Dès lors l'armée prit une autre face, et l'on pouvait s'assurer sans se tromper que si l'armée était menée à la guerre, on pouvait avoir toute confiance en elle.

Pour parvenir à ce degré de perfection si intéressant pour le bien de l'État, on avait purgé le corps des officiers de tout ce qui tenait à la roture : ces sortes de sujets furent placés dans des régiments de garnison, où ils valaient au moins autant que ceux auxquels ils succédaient, qui, étant trop infirmes pour servir, furent mis à pension; et comme le pays même ne fournissait pas le nombre de gentilshommes que demandait l'armée, on engagea des étrangers, de la Saxe, du Mecklenbourg, ou de l'Empire, parmi lesquels il se rencontrait quelques bons sujets. Il est plus


a Dans plusieurs endroits de son ouvrage, particulièrement livre II, chapitre 24. Végèce recommande au soldat d'étudier sa profession, et de s'y perfectionner par un exercice continuel. C'est un sujet sur lequel Frédéric aime à revenir.